Historique
Naissance d’une vieille dame de 1806
Par Y.Guillermin-Zerrouki & B. Guillot, Pharmaciens
Si la Révolution et la Terreur ont meurtri la royaliste capitale des Gaules, dont cinq pharmaciens ont été fusillés, provoqué un important exode urbain, la relance institutionnelle, culturelle et économique n’en fut que plus nécessaire et forte.
En 1806, l’année même où l’on revient au calendrier grégorien, où se tient le premier conseil des prud’hommes de France, où Joseph Jacquard introduit les cartes perforées dans les métiers à tisser des canuts, où la liberté « médiatique » redevient possible avec la naissance d’un Guignol dont la truculence fait passer le message contestataire, 22 pharmaciens parmi les 27 que compte la ville, emmenés par François Tissier, Bruno Guilliermond et deux ou trois autres praticiens également démonstrateurs de chimie, fondent la Société de pharmacie de Lyon.
Finis depuis des décennies les apothicaires, les corporations et les communautés dont les productions se réalisaient dans les resserres des innombrables et accueillants couvents, demeure le conflit des pharmaciens de la ville avec cet Hôtel-Dieu qui entend fabriquer et vendre au public ses drogues en toute liberté !
Le corps médical s’est doté, en 1789, d’une Société de Médecine, ses collèges dictent encore la rédaction et l’édition des ouvrages de la pharmacie dont les pharmacopées, ses représentants siègent dans le jury d’examen des pharmaciens.
C’est dans cet environnement que les 22 fondateurs de la Société de pharmacie se réunissent, au printemps 1806, dans le Palais des Arts, devenue Musée des beaux Arts et qui est le siège de tout ce qui est culturel et scientifique à Lyon, pour écrire au préfet :
« Les pharmaciens de Lyon éprouvant depuis plusieurs années le besoin de se communiquer les idées relatives à leur art, de se rendre compte des observations qu’ils ont assez souvent l’occasion de faire,prévoyant combien il serait avantageux pour tous d’exciter une vive émulation dans leurs travaux et dans leurs recherches, désirant enfin sortir parfois de l’isolement que commande leur profession, ont pensé créer une société….. » etc
Le ministre leur répond aussitôt :
« Je donne très volontiers mon approbation à l’établissement de la Société de Pharmacie que vous venez d’instituer à Lyon, ainsi qu’au Règlement qui détermine l’ordre des travaux de cette Société.
Je désire que le zèle des Pharmaciens qui y seront admis réalise les espérances que vous avez conçues de la réunion de leurs efforts pour les progrès d’un art aussi utile à l’humanité. »
Aux 22 membres co-optés s’ajoutent un membre vétéran qui a plus de 60 ans, et les membres correspondants parmi lesquels Parmentier de Paris tient une illustre place.
Le règlement adopté et signé, les séances de travail, rassemblant 10 à 14 membres régulièrement, vont se succéder à forte cadence à raison de 2 voire 3 réunions mensuelles, pour créer une bibliothèque, collecter des échantillons, donner lecture des publications récentes de physique, chimie, botanique et tous arts utiles, ordonner des missions, créer des commissions spécialisées.
Dès l’année suivante, tous les sociétaires réalisent le prélèvement et l’analyse des eaux de toutes les fontaines publiques de Lyon, avec recherche des sulfates, carbonates et acidité, puis organisent des démonstrations publiques de plusieurs jours, 4 fois par an, expliquant la fabrication de produits chimiques et de médicaments galéniques. A titre d’exemple, en présence du public et d’au moins un élève en pharmacie, sont ainsi synthétisés l’éther sulfurique et le chlorure d’antimoine, ou sont préparés la célèbre confection Hyacinthe et un extrait de quinquina.
Le premier président fut François Tissier, chimiste et pharmacien de la place de Terreaux, le plus actif membre sera Bruno Guilliermond qui s’attacha à normaliser l’extraction et l’analyse du quinquina ou l’opium et comme son fils plus tard, exerça sur l’organisation de la profession une influence considérable.
On peut extraire de l’histoire de cette création et des premiers pas de ses membres un portrait moral de la société de Pharmacie :
- Un besoin généreux d’exercer une solidarité professionnelle autre que corporatiste, mettant en commun lectures, connaissance et expériences,
- Un esprit d’ouverture et d’information du public, devenu concitoyen, à propos de son propre métier, coloré d’un universalisme propre au moment historique,
- Une contribution au Bien public, à l’hygiène publique et à la protection des consommateurs contre les faux remèdes et autres drogues adultérées,
- Une prise en responsabilité collégiale de l’enseignement d’élèves en pharmacie, 70 ans avant la création de la faculté de pharmacie de Lyon.
Derniers présidents de la Société de Pharmacie de Lyon
1982 - 1983 Lucien ODDOUX
1983 - 1984 Jean-Claude LECHEVIN
1985 - 1986 Josette ALARY
1987 - 1988 Pierre VERMOREL
1989 - 1990 André REVOL
1991 - 1992 Jean-Claude PLASSE
1993 - 1994 Maurice VELAY
1995 - 1996 Anne-Marie ROUSSEL
1997 - 1998 Jacques MARTINEAU
1999 - 2000 Jean KOEBERLE
2001 - 2002 Pierre BIENVENU
2003 - 2004 Bernard MONTAGNON
2005 - 2006 André REVOL
2007 - 2008 Gilles GRELAUD
2009 - 2010 Annick TERRIER
2011 - 2013 Gilles GRELAUD
2014 - 2016 Jean FRENEY
2017 - 2019 Bernard MASSOUBRE
Ce livre est disponible à la Bibliothèque Universitaire de l'UCBL Domaine Rockefeller